Lion : Critique comparée
Pour cette critique de Lion nous avons décidé de faire dans l'original : Nos deux journalistes préférées Laura et Céline ont rédigé chacune leur critique, et nous vous les délivrons ci-après! N'oubliez pas de voter sur Facebook pour votre critique préférée, et bonne lecture!
Le regard de l’enfant plus juste que le désarroi de l’adulte. - Laura
Conte de fée incroyablement vrai, Lion plonge le spectateur dans une Inde magnifique et étouffante à la fois, sur fond de la problématique complexe de l’adoption. L’adaptation de l’autobiographie de Saroo Brierley par Garth Davis est mise en scène avec brio dans une première partie, mais bat un peu de l’aile quand on entre dans le domaine de l’introspection et des ressentis psychiques du personnage principal.
Ganesh Talai, village perdu au milieu des montagnes arides de l’Inde occidentale. C’est là qu’habite Saroo, 5 ans. Lui et son grand frère Guddu vivent de la débrouille. A coup de chapardages et d’astuces, ils aident leur mère comme ils peuvent. Un soir, Saroo insiste auprès de Guddu pour l’accompagner dans son expédition de glanage dans les trains. Cela scellera leur destin. Guddu laisse le petit, exténué, dormir sur un banc de la gare. A son réveil, Saroo est seul. Il explore les alentours puis monte dans un train à l’arrêt, dans lequel il s’endort sur une banquette accueillante. Le train l’emmènera 1600 km plus loin, à Calcutta, mégapole dont l’atmosphère étouffante n’a d’égale que sa pauvreté.
La première moitié du film se concentre sur le petit bout d’homme probablement le plus mignon de l’histoire du cinéma. L’acteur Sunny Pawar est une véritable révélation. Impossible de ne pas tomber sous le charme en l’entendant appeler « Guddu » à tout bout de champ. Mais sa performance ne se résume pas à être mignon, son jeu d’acteur est à la hauteur de son sourire désarmant. Débordant d’innocence et de détermination, il entraine le spectateur dans l’exploration de Calcutta à travers ses yeux. Livré à lui-même, plus habitué à l’étendue des paysages ruraux qu’à l’air suffocant et à l’agitation des grandes villes, Saroo survivra 3 mois avant d’être placé dans un orphelinat, puis adopté par un couple d’Australiens. C’est cette partie où l’enfant se retrouve seul, en proie à l’hostilité d’une métropole, qui a valu au film le slogan publicitaire de « nouveau Slumdog millionnaire ». Une comparaison un peu simpliste et réductrice. L’Inde de Davis n’est pas celle de Boyle et s’enfonce d’ailleurs moins dans la caricature. Le récit, qui aurait pu rapidement tomber dans la sur-dramatisation, évite ce travers et est renforcé par le choix éclairé de tout filmer à travers le regard de Saroo. Y compris l’adoption, ce qui offre le grand avantage de la vivre du point de vue de l’enfant, arraché à son milieu, à qui on dit « voilà ta maman » et « voilà ton papa ».
La partie indienne du récit se distingue aussi par sa qualité photographique. Paysages de roc, de terre et de poussière mais surtout omniprésence de l’acier rouillé d’un chemin de fer tantôt refuge, tantôt prison qui rythme l’action avant de céder la place au métal des ponts démesurés et escaliers vertigineux.
Mais la trame du film s’effiloche dans la seconde partie. 25 ans plus tard, Saroo, interprété par Dev Patel, s’est parfaitement intégré au mode de vie australien. Adoption parfaite mais parfait contraire de celle de son frère, jeune indien également adopté, Mantosh. Il suffira pourtant d’une assiette de jalebi, pâtisserie traditionnelle qu’il adorait, pour qu’un flot de souvenirs lui rappelle d’où il vient. Saroo plonge en pleine crise existentielle et n’a plus qu’une obsession : retrouver sa famille, pour lui dire qu’il va bien. C’est dans la mise en scène de cette tension psychique que le film échoue quelque peu. Entre les moments un peu trop convenus illustrant son mal-être – disputes avec sa copine et sa famille – et les flash-back évoquant un Guddu tant aimé, on décroche un peu.
La prestation de Nicole Kidman dans le rôle de la mère adoptive fortifie cependant cette partie australienne un peu éclatée. Elle y brille de simplicité et de justesse. Elle-même mère adoptive, elle a su restituer les difficultés mais aussi l’amour incontestable que recèle l’adoption.
Malgré cette seconde partie un peu décevante, Lion reste un drame tout en esthétique et en sensibilité. Un premier film de Garth Davis à voir sans hésiter.
Laura Geerts pour le CinéForum
Un lion au pays des kangourous. - Céline
Un petit garçon qui s’endort sur le quai d’une immense gare d’Inde, puis à bord d’un train qui démarre et l’emmène loin. Trop loin.
A Ganesh Talai, petit village du Nord-Ouest de l’Inde, Saroo, 5 ans, vit avec sa maman Kamla, son grand frère Guddu et sa petite soeur Shekila. Tout le monde apporte sa pierre à l’édifice pour que la famille s’en sorte, malgré la pauvreté. Maman ramasse des pierres. Saroo s’empresse de suivre Guddu pour aller travailler. Ils échangent quelques copeaux de charbon contre des briques de lait qu’ils ramènent dans leur petite maison bleue. Cette fois-là, la journée a été rude. La gare grouille de monde. Saroo est fatigué. Guddu doit aller travailler. Il le laisse sur un banc en lui disant qu’il revient dans quelques minutes. Il ne le reverra plus. Le petit Saroo se réveille et trouve la banquette d’un wagon plus confortable. Le train l’emmène à 1600 kilomètres de là, direction Calcutta, troisième ville la plus peuplée d’Inde. C’est la première étape d’un long périple qui ne prendra fin que 25 ans plus tard. Arrivé à Calcutta, Saroo est perdu. Perdu comme un lionceau dans un troupeau de buffles. Le spectateur l’est avec lui.
Un point de vue, le sien
Toute la première moitié du film est racontée à hauteur d’un enfant. Ce choix d’angle de prise de vue inhabituel est un véritable plus et permet au spectateur de s’identifier à Saroo. On reste au plus près du petit garçon. L’envie nous prend même de lui crier “Vite, cours !” quand il est à deux doigts de se faire emmener par des trafiquants d’enfants. On connaît l’adoption, mais rarement du point de vue de l’enfant adopté. Bien qu’il nous épargne les longues étapes que doivent traverser les parents pour pouvoir adopter, ce film nous prend par la main pour accompagner Saroo jusqu’en Australie. Il nous montre tout à travers le point de vue de ce petit bonhomme : orphelinat, découverte de la photo des futurs parents, trajet en avion qui l’éloigne encore plus de chez lui. Placer la caméra à la hauteur d’un enfant de 5 ans pour faire ressentir ses émotions, c’est un pari réussi pour le réalisateur australien Garth Davis.
Une pluie de récompenses
Ce petit bonhomme aux grand yeux bruns est incarné par Sunny Pawar, qui ne parlait pas un seul mot d’anglais avant le tournage. Son premier film, mais sûrement pas son dernier. Face à lui, on retrouve une Nicole Kidman méconnaissable, et surtout honnête. Alors qu’elle était ennemie de David Wenham dans Australia, les voilà mari et femme pour Lion. Après avoir arpenté les rues de Bristol dans la série Skins, Dev Patel a troqué son accent british pour un accent australien. L’ex-héro de Slumdog Millionnaire a beaucoup muri. Il incarne à merveille ce Saroo adulte rongé par les souvenirs et l’envie de retrouver ses origines. L’acteur s’est battu pour obtenir ce rôle qui lui vaudra, entre autres, une nomination pour l’Oscar du meilleur second rôle. Car oui, ce film était en course pour six statuettes lors de la 89eme cérémonie des Oscars, et quatre nominations aux Golden Globes.
Mélo-quoi ?
Inspiré du roman « A long way home » de Saroo Brierley, ce biopic a tout du grand mélodrame : l’enfant perdu dans les
bidonvilles, les images dignes des grands reportages. Mais Lion a beaucoup plus à offrir qu’une jolie carte postale avec des gens qui pleurent. Ce film repose avant tout sur l’honnêteté. La réalisation de Garth Davis s’imbrique parfaitement avec le jeu d’acteurs, les notes de musique de Duston O’Halloran et la photographie de Greig Fraser, connu pour son travail sur Rogue One et Zero Dark Thirty. Cette qualité photographique parvient à faire ressortir beaucoup de charme de la pauvreté indienne que nous, personnes aux « vies privilégiées » avons tendance à détourner du regard. Visuellement, cette merveille du grand écran nous fait vivre un vrai dépaysement. La musique qui s’associe parfaitement à ces images nous fait ressentir une multitude d’émotions. Et les cris du petit Saroo qui cherche son grand frère s’ancrent dans les mémoires.
Céline Pireaux pour le Cinéforum