Batman vs. Superman, le choc des héros.
Avant de faire couler encore plus d’encre à propos du punching-ball qu’est devenu ce film, je tiens à préciser plusieurs choses.
Premièrement, cette critique se base uniquement sur le film, et ne cherche pas à le comparer aux matériaux de base dont il est l’adaptation. Car oui, cette idée d’opposer Batman à Superman n’est pas nouvelle, elle est tirée (d’excellents) comic books.
« The Dark Knight Falls »
Plus qu’attendu au tournant, le blockbuster a secoué la planète internet, entrainant toutes les dérives auxquelles on pouvait s’attendre. Impossible de souligner les bons et mauvais aspects du film, ce qui compte désormais c’est de prendre parti : pour ou contre ? Faut-il virer Zack Snyder ? L’empêcher de réaliser « Justice League » (la suite des aventures des héros de chez DC Comics) ?
Les studios Warner et l’industrie hollywoodienne en général semblent avoir décidé de suivre la logique commerciale de Marvel : programmer une série de films, liés les uns aux autres afin de fidéliser le public, de générer de l’attente et du hype pour chaque épisode.
Si cela a plutôt bien marché pour Marvel commercialement, la recette a du mal à prendre avec « Man of Steel » (2013) et « Batman vs. Superman » (2016).
Pourquoi ? Parce qu’on a à chaque fois la sensation que ces films sont des épisodes, que l’enjeu est ailleurs, à venir, que chaque menace en cache toujours une plus grande et que pour avoir droit à une histoire satisfaisante, on va avoir à attendre trois films étalés sur quatre ans.
Le film souffre aussi de la comparaison à l’excellent travail de narration des films de Christopher Nolan (« Batman Begins », « The Dark Knight », « The Dark Knight Rises »). Ce dernier avait réussi le tour de force de s’approprier le héros le plus connu de tous les temps et de l’intégrer parfaitement dans un univers réaliste et prenant.
Nolan nous avait pris par la main pour nous montrer pourquoi Bruce Wayne décide de devenir le Batman. Il avait poussé le personnage dans ses derniers retranchements en l’opposant à des adversaires intelligents, pervers et psychotiques.
Trilogie « The Dark Knight » de Christopher Nolan
L’histoire de ce Batman vs. Superman est ici trop vite expédiée, on ne sait pas à quoi donner de l’importance, tout étant traité de la même manière : brutale, rapide et sans ménagement.
Difficile dans ces conditions de donner de l’ampleur aux scènes les plus critiques pour les personnages. La bande sonore ne semble jamais se mettre en pause pour nous donner le temps de respirer, de réfléchir à ce qui se passe.
Les sujets abordés sont, selon moi, pourtant bien plus intéressants que ceux de « Man of Steel ». On voit un monde où les responsables politiques sont en perdition face à cet alien (Superman) hors de tout contrôle, agissant au-dessus des lois. Le Batman de Ben Affleck est convainquant : désabusé, usé par sa lutte contre le crime, vieillissant et devant faire face à un demi-dieu.
Au-delà des gros problèmes de narration et de psychologie des personnages, le film a d’autres défauts. Je pense notamment à Jesse Eisenberg qui incarne un Lex Luthor maniacodépressif sans envergure ni nuance. Si le méchant du film n’incarne aucune menace pour le spectateur, difficile de créer le moindre enjeu. Sa coiffure ridicule et ses mimiques insupportables y sont sans doute pour quelque chose.
Le film aurait pu tirer son épingle du jeu à plusieurs conditions : ne pas tout raconter dans la bande-annonce, ne pas en faire une vaste introduction à la « Justice League », avoir des méchants et adversaires plus subtils et mieux écrits, et mettre l’accent sur les éléments essentiels plutôt que d’aborder mille questions sans les développer.
Tout cela pour dire que la tâche s’annonçait impossible et que ce résultat en demi-teinte tient, dans ces conditions, du miracle.