The glorious 70mm Ultra-Panavision for "The Hateful Eight"
C'est avec quelques hésitations que j'ai commencé à rédiger cet article. Le film n'étant disponible sur les écrans belges en version digitale qu'à partir du 6 janvier, l'erreur peut vite arriver de dévoiler un mince indice sur son intrigue. Or sache, cher lecteur anonyme, que je m'en voudrais de te priver du plaisir de découvir minute par minute ce que manigancent les huits protagonistes réfugiés à la mercerie de Minnie.
C'est donc plutôt vers le Glorious 70mm Ultra-Panavision et le travail technique effectué autant par les équipes de tournage et de projection que je vais guider ces quelques paragraphes, avant de m'attaquer à une petite critique de la projection de ce format.
Chapter one
"Quentin Tarantino est en mission pour sauver ce qu'il reste des origines du cinéma"
Il n'y a pas si longtemps, l'industrie de la photographie et du cinéma capturaient leurs images sur des pellicules. Ce n'est qu'à partir des années 2000 que le tout digital commence à prendre de l'ampleur. Or, si cette nouvelle technologie nous a permis de voir se développer les plus beaux effets-spéciaux, beaucoup d'artistes n'apprécient guère ce changement, laissant encore une fois les ordinateurs prendre la place des humains. Rappelez-vous Ian Mckellen s'effondrant lors du tournage du Hobbit devant des écrans verts. Avec The Hateful Eight, Quentin Tarantino est en mission pour sauver ce qu'il reste des origines du cinéma : pour démontrer aux moins avertis d'entre nous la beauté de la pellicule, il ne s'est pas contenté du format habituel de 35mm, mais bien du 70mm Ultra-Panavision. En plus d'offrir une meilleure définition, le rapport de longueur/hauteur est de 2.76, ce qui a pu donner par exemple cette prise de vue fabuleuse de deux chariots en pleine course, côte à côte, dans Ben Hur.
Chapter two
La folle entreprise du 70mm Ultra-Panavision
Abordons maintenant quelques chiffres qui devraient vous en dire plus sur l'entreprise du tournage de The Hateful Eight. Ce n'est que le 11ème film dans l'histoire du cinéma réalisé dans ce format ! Panavision a donc eu à adapter ou même reconstruire certaines caméras. Les producteurs ont délivrés des budgets énormes entre 60- et 80 000 dollars par salle désignée pour accueillir un projecteur capable d'afficher du 70mm. Pour les trois uniques séances du 26 décembre à Lille, les deux projectionnistes se préparaient et se formaient depuis plus de trois semaines ; ils ont confié à M. Cinérama (François Carrin), qui nous a présenté la séance, que ce travail a rendu de l'âme a leur métier. Les bobines du film sont assemblées dans un seul atelier, sans aucunes coupures même pour l'entracte et les ouvertures. Les projectionnistes ont alors à faire à une seule bobine de pas moins de 110kg !
Pour en apprendre plus, je vous invite à regarder cette vidéo de sept minutes, d'une part composée de cours d'histoire sur la pellicule, et d'autre part à propos de la procédure des équipes du tournage. Elle est aussi fort probablement 100% marketing, présentée par la cool attitude de Samuel L. Jackson, qui d'autre que lui pour vous dire "Ultra-Panavision is the wiiiidest fooormat theere is ! "
Chapter three
Escapade pour l'avant-première à Lille
Vous aurez donc compris qu'étant donnée ma légère Tarantinophilie, je n'ai pu résister bien longtemps avant de me ruer sur la réservation pour une de ces projections. La plus proche de chez moi a lieu au complexe Kinepolis de Lille, le samedi 26 décembre. Je me retrouve donc dans la file pour la salle 6, au milieu d'une population âgée de 30 à 40 ans, au mélange surprenant : du geek amateur de film ayant mangé trop de popcorn et se lavant la main dans les cheveux, jusqu'au hipster à la barbe soignée et aux lunettes vintage. Ils démontrent leurs connaissances en discutant de la mauvaise stratégie du choix de la date de sortie de Tarantino ; avec Star Wars sorti il y a un peu plus d'une semaine et son budget colossal, les plus grandes salles lui sont réservées, nous aurons donc quelques mètres d'écran en moins pour profiter des 70mm. Ensuite parmi la population plus hétéroclite, je repère quelques cheveux blancs. C'est en rentrant dans la salle que je me rend compte que j'ai affaire à des vrais connaisseurs, nostalgiques de la bobine. La largeur de l'écran mise à part, ils commentent l'écran gris, sa courbe, le grand parterre le séparant des premières rangées. Les voir s'installer à proximité de mon siège (le choix des places s'effectuant dès la réservation) me rassure : la quatrième rangée n'est pas trop proche de l'écran.
Après un discours de M. Cinérama commence l'ouverture musicale d'Ennio Morricone (The Good, The Bad and the Ugly) et ensuite... la claque ! Pendant plus de trois heures de film, l'image projetée sur je ne sais combien de mètre de large va envahir ma vision. Chaque plan apporte quantité d'informations, avec une netteté à couper le souffle. La retranscription des couleurs est tout simplement magique, qu'il s'agisse des paysages enneigés du Colorado, ou de la tronche de Jackson dans une grange mal éclairée.
"The best special effect you can have is a great actor, like Samuel L. Jackson is a better special effect than any f-ing special effect"
Sans dévoiler d'images du film (je n'en ai de toute façon pas), je passe directement à la case effets visuels. En effet, avec le retour à la pellicule, pas d'écran vert, pas de dinosaures ou de sabres laser, tous les effets spéciaux ne pouvant être réalisés que pendant le tournage. Que ce soit le maquillage, les explosions ou la neige, tout ce que vous voyez a été enregistré tel quel, même la vapeur des respirations avec un studio réfrigéré à -1°C ! Pour faire le lien avec mon commentaire sur le jeu d'acteur, je citerai Paul Thomas Anderson (There will Be Blood) : "the best special effect you can have is a great actor, like Samuel L. Jackson is a better special effect than any f-ing special effect". Pour le reste il y a toujours la méthode Miss Laura qui nous fera toujours autant rire...
Pour terminer cette petite histoire, voici donc un commentaire sur les acteurs et le scénario. Si nous ne retrouvons pas de Di Caprio ou de Pitt, leur expérience n'en est pas moindre, la plupart ayant même déjà collaboré avec Tarantino. Chacun rentre dans la peau de son personnage admirablement : du chasseur de prime au vétéran de la guerre civile, en passant par le shériff nouvellement élu et le bourreau insensible. A cela s'ajoute un scénario pas si compliqué mais ficelé subtilement. Pour ceux qui se sont bien gardés de lire le script ou de regarder la lecture publique du scénario, il est bien impossible de deviner quels sont les objectifs de tout un chacun au sein de cette auberge.
Last chapter
La conclusion qui s'impose
A l'issue de la séance, je n'ai ressenti aucune déceptions tant mes attentes ont été comblées ! En plus d'avoir assisté à cettre projection exclusive j'ai eu la chance d'être accompagné par mon cher paternel. Moins aveuglé par le nom du réalisateur que moi, ses connaissances photographiques m'ont toutefois conforté sur la performance technique du film. Il m'a aussi fait part d'un bémol au niveau du jeu des acteurs, qu'il a trouvé partiellement trop théatral. Mais je reprendrai cette discussion une fois le spoil autorisé. Mon dimanche s'achève, mes capacités de rédaction également (peu glorieuses à la base), je terminerai donc par :
C'était bien, très bien, voire même excellent !